Premiers secours en entreprise : un enjeu majeur pour la sécurité au travail

Bernard Guillaux

Travail

Après plusieurs décennies à dispenser des cours magistraux sur le droit civil et européen, j’observe aujourd’hui avec intérêt comment la réglementation française structure minutieusement la protection des salariés dans leur environnement professionnel. Le Code du travail impose par voie de conséquence une multitude d’obligations aux employeurs, notamment en matière de secourisme et de prévention. Je souhaite partager avec vous cette analyse juridique et pratique des dispositifs qui façonnent la sécurité au travail dans nos entreprises contemporaines.

La formation SST, pilier réglementaire de la protection des salariés

L’Article R4224-15 du Code du travail établit sans ambiguïté qu’au moins un membre du personnel doit être formé au secourisme dans chaque établissement. Cette formation SST, d’une durée de 14 heures, permet aux collaborateurs d’acquérir les compétences nécessaires pour intervenir efficacement lors d’une situation d’urgence. Formez vos équipes aux premiers secours selon cette obligation légale devient ainsi une nécessité absolue pour toute organisation soucieuse de conformité.

La pédagogie adoptée par les formateurs habilités par l’INRS repose sur quatre actions fondamentales que je qualifierais de véritables piliers de l’intervention d’urgence. La première consiste à protéger la victime et les témoins en évaluant la situation et en sécurisant la zone pour éliminer tout risque supplémentaire. La deuxième action requiert d’examiner minutieusement la victime pour déterminer son niveau de conscience et sa respiration. La troisième étape nécessite d’alerter les services d’urgence appropriés avec des informations claires et précises. Enfin, la quatrième action implique de secourir la victime en effectuant les premiers soins nécessaires.

La formation se déroule obligatoirement en présentiel, le distanciel n’étant juridiquement pas autorisé. Elle peut s’organiser en intra-entreprise ou en inter-entreprise, sur deux jours discontinus. J’apprécie particulièrement l’approche en intra-entreprise qui permet de vérifier ensemble les zones dangereuses, les potentiels lieux d’accident du travail, la bonne tenue de la trousse de secours et du défibrillateur. Cette méthode apporte une valeur ajoutée considérable en contextualisant la formation.

Le certificat SST délivré suite à une évaluation rigoureuse reste valable 24 mois au niveau national. Pour le renouveler, le salarié doit suivre une formation recyclage appelée MAC SST (Maintien et Actualisation des Compétences SST) d’une durée de 7 heures. Cette obligation de mise à jour régulière garantit un niveau de sécurité optimal et adapté aux évolutions des pratiques de secourisme.

Les obligations relatives au défibrillateur automatisé externe

L’Article R4224-14 du Code du travail stipule que les lieux de travail doivent être équipés d’un matériel de premiers secours adapté à la nature des risques et facilement accessible. D’un autre côté, la législation française n’impose pas systématiquement la présence d’un DAE dans toutes les entreprises. Cette nuance juridique mérite attention : la décision d’installer un défibrillateur dépend de l’évaluation des risques effectuée par l’employeur.

Pour les établissements recevant du public, la réglementation se montre plus stricte. L’article R157-1 du Code de la construction et de l’habitation impose l’installation d’un DAE dans les ERP des catégories 1 à 4. Certains établissements de 5ème catégorie sont également concernés. Le tableau suivant synthétise ces obligations :

Type d’établissementCapacité d’accueilObligation DAE
RestaurantsPlus de 200 personnes ou en altitudeOui
MagasinsPlus de 200 personnes ou 100 en sous-sol/étageOui
Salles de sportTous typesOui
Salles de spectaclePlus de 50 personnes ou 20 en sous-solOui
Bâtiments de bureauxPlus de 200 personnesOui

L’intérêt majeur du DAE réside dans sa simplicité d’utilisation. En France, toute personne même non formée est autorisée à utiliser cet appareil. Le dispositif analyse automatiquement le rythme cardiaque de la victime et guide l’utilisateur pas à pas grâce à son haut-parleur intégré. Cette démocratisation de l’accès aux gestes qui sauvent constitue une avancée remarquable en matière de santé publique.

La maintenance annuelle du DAE demeure obligatoire selon les recommandations du fabricant. Cette exigence garantit le bon fonctionnement de l’appareil en cas d’urgence. L’Article R157-3 autorise la mutualisation d’un DAE entre plusieurs ERP situés sur un même site géographique, une disposition pragmatique facilitant la mise en conformité.

Premiers secours en entreprise : un enjeu majeur pour la sécurité au travail

L’organisation structurée des secours en milieu professionnel

Au-delà des obligations individuelles de formation, l’organisation des secours doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et d’une structuration méthodique. Mes années d’enseignement m’ont appris que la théorie sans pratique reste stérile. Les exercices périodiques constituent donc un élément fondamental de cette organisation.

Une organisation efficace repose sur plusieurs piliers essentiels. Elle comprend la présence permanente de secouristes formés SST, du matériel de premiers secours disponible et régulièrement contrôlé, des procédures d’alerte et d’évacuation clairement définies, ainsi que des exercices réalisés de manière périodique. Je recommande vivement aux dirigeants d’entreprise de considérer ces éléments comme un investissement plutôt qu’une contrainte.

Les points de contrôle à surveiller incluent notamment le respect du ratio secouristes par rapport à l’effectif total, la complétude du matériel de premiers secours, l’évaluation du temps d’intervention des secours externes, et l’efficacité démontrée lors des exercices d’évacuation. Ces indicateurs permettent d’évaluer objectivement la pertinence du dispositif mis en place.

Les numéros d’urgence suivants doivent être connus de tous les collaborateurs :

  1. Le 15 pour le Samu en cas de problème urgent de santé nécessitant un secours médicalisé
  2. Le 17 pour joindre la Police ou la Gendarmerie en cas de problème de sécurité
  3. Le 18 pour contacter les Sapeurs-pompiers lors d’accident, d’incendie ou de tout problème nécessitant des secours
  4. Le 112 pour les urgences européennes, particulièrement utile pour les étrangers en France et les Français à l’étranger
  5. Le 115 pour le Samu social en situation de détresse sociale

Vers une approche globale de la prévention

Conformément aux articles L.4121-1 et suivants du Code du Travail, l’employeur est tenu d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés. Cette obligation englobe désormais l’identification et l’évaluation des risques psychosociaux, qui touchent près d’un salarié sur trois en Europe selon l’agence européenne EU-OSHA. Ces risques invisibles génèrent un mal-être profond et nuisent considérablement à la santé physique et mentale des équipes.

L’INRS estime que 20 à 25 % des arrêts de travail sont directement liés à des situations de stress ou de harcèlement au travail. Plus remarquable encore, cet institut établit qu’un euro investi dans la gestion des RPS permettrait d’économiser treize euros. Cette rentabilité économique s’ajoute aux bénéfices humains indéniables d’une politique de prévention ambitieuse.

La formation et la sensibilisation de l’ensemble des collaborateurs demeurent indispensables. Il convient de former les managers à reconnaître les symptômes d’épuisement professionnel ou de harcèlement et à savoir comment intervenir. Sensibiliser les salariés leur permet d’identifier les comportements constituant des RPS. La désignation de référents ou d’équipes spécialisées dans la gestion des violences au travail s’impose comme une nécessité organisationnelle.

Les modifications récentes du cadre législatif, notamment le décret n°2025-355 du 18 avril 2025 concernant le suivi médical des travailleurs, et la loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025 supprimant la limitation des trois mandats successifs pour les élus du CSE, témoignent d’une évolution constante du droit social. Ces changements reflètent une volonté collective d’adapter continuellement notre arsenal juridique aux réalités du terrain.

A propos de l'auteur :

Bernard Guillaux

Bernard Guillaux, un pilier de la communauté juridique, désormais au cœur de l'équipe éditoriale de "La Minute de Droit". Ancien professeur de droit, Bernard a consacré plusieurs décennies à l'enseignement du droit dans l'une des plus prestigieuses universités de France, partageant sa passion et son expertise avec des générations d'étudiants. Sa carrière académique se caractérise par une profonde connaissance du droit civil et du droit des contrats, ainsi qu'une fascination pour l'évolution du droit européen. Ses cours étaient célèbres pour leur clarté, leur rigueur, et leur capacité à rendre le droit vivant et pertinent. Aujourd'hui, Bernard a choisi de se lancer dans un nouveau défi : transformer sa riche expérience en contenu accessible et engageant pour "laminutededroit.fr". Dans ses articles, il combine son savoir académique avec des exemples concrets, rendant le droit compréhensible et intéressant pour tous. Que ce soit en décryptant les dernières évolutions législatives ou en revisitant les grands principes juridiques, sa plume est guidée par la volonté de démystifier le droit.

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